Hors-saison

04 . 2018

Mira Agdal

Le soleil est encore chaud mais la lumière a changé, l’air s’est rafraichi, les lieux se vident peu à peu…la saison est
finie…L’eau des piscines s’immobilise, la terre des terrains de tennis est lisse, le sable n’est marqué que par
l’empreinte de quelques promeneurs…Dans les hôtels, un homme plie et range les transats, un autre balaie les
premières feuilles….Au loin un troisième ratisse une dernière fois la terre rouge accumulée sur les lignes
blanches…Le temps semble s’être arrêté. Nos paysages de l’été agités et sonores sont entrés dans une autre
phase, celle des souvenirs, de la nostalgie estivale, du silence, juste brisé par les bruits furtifs des personnes qui
entretiennent les lieux.Sur la plage, les irréductibles tiennent le sable, profitant des derniers jours, s’abreuvant du
soleil une dernière fois, laissant leur corps caressés par la chaleur automnale, les discussions animées se sont
tues, tout conduit vers la contemplation de l’étendue bleue.
Les toiles de Mira Agdal illustrent cette hors saison. L’artiste présente, lors de sa nouvelle exposition à la galerie
A.Gorgi, une quinzaine d’oeuvres qui nous emmènent dans cette période un peu hors du temps. Travaillant avant
tout la composition à partir de ses photographies, elle pose l’architecture, la simplifie au maximum pour en
garder les lignes directrices. Les grands aplats de couleur bleu gris et ocre mettent en valeur les différents
espaces. Il n’y aura pas d’autres couleurs ! La couleur l’effraie. Mais la neutralité est aussi difficile à faire exister.
Un personnage, deux, plusieurs, dos tournés, se glissent dans cet ensemble, figures aussi énigmatiques que cette
architecture anonyme. Les personnes ne nous regardent pas, ils sont isolés dans leur monde, ne semblent pas
avoir de contact entre eux. Seul avec les autres ?
Dans ce qu’entreprend Mira, le regard est là pour capter à travers ses photographies puis ses toiles, des instants
que l’on ne voit pas ou que l’on préfère ne pas voir. Etrangère parmi les étrangers, dans ce pays qui l’accueille,
elle est attirée parces hôtels vides et ces plages désertées. Peu à peu, derrière ses toiles où la touche de l’artiste
est à peine perceptible, c’est une autre hors saison qui se dessine, celle des architectures abandonnées par le
tourisme de masse que l’on continue à entretenir, celle des plages délaissées par les baigneurs, celle de paysages
qui ressemblent à des théâtres…mais pourtant, jamais très loin, une silhouette apparait..

Elsa Despiney

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