N.F.T. (nouvelles formes tangibles )

16.06.22

Marie José Armando

Deux mains pétrissent une simple boule de terre, l’arrondissent comme une petite planète ou comme un ventre, et par ce geste primitif, doucement un monde, à la fois intime et cosmique, se crée. Car la terre, sans doute plus que tout autre matériau, induit pour l’artiste qui la travaille, un lien entre le plus archaïque, le plus profond de soi et la vastitude du monde. Certes le feu primitif s’est éteint, mais par la cuisson il sera rappelé. Et son opposée complémentaire, l’eau, nécessaire à éprouver la souplesse et la douceur des formes, est là puisée dans le petit bassin de barbotine. L’air
du séchage, si évident qu’on l’oublic, vient compléter le carré des quatre éléments premiers énoncés par la physique antique.
Les formes proposées par Marie-José Armando, les installations par lesquelles elle les agence, participent directement de ce qu’on reconnaît aujourd’hui comme « art contemporain ». En réalité la céramique -art le plus archaïque sans doute avec la taille de la pierre- n’a pas d’âge : les styles, les appartenances supposées à des cultures et des époques, balisent de façon très relative l’axe du temps. Quand aujourd’hui Marie-José Armando fabrique des bols en raku on peut les confondre avec une pièce japonaise du XVII° siècle tout comme, lorsqu’un artiste d’art brut modèle une forme d’apparence fruste, on croit reconnaître une pièce millénaire de quelque musée archéologique.
Néanmoins la modernité « contemporaine » de Marie-José Armando est immédiatement perceptible dans l’épure abstraite de ses formes qui se développent quasi d’elles-mêmes, en beauté pure, sans fonction destinée ni sens apparent, selon un agencement qui fascine d’abord avant de questionner. En séduisant notre regard et en imprégnant notre être par la captation d’une émotion sans mots, cette esthétique certes se suffit et n’a a priori nul besoin d’autre justification que la magie intime que cette captation produit. Cependant pareilles formes n’atteignent pas cette justesse sensible par une gratuité de hasard, une improvisation pure, mais parce qu’elles sont irriguées, signifiées de l’intérieur.

Extrait de « En regardant en écrivant » de Jean-Claude Villain

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