Slash
06 . 2013
nidhal chamekh - ymene chetouane - belhassen chtioui - maher gnaoui - malek gnaoui - ismael - atef maatallah - ibrahim matouss
C’est le corps qui créé la vie. Il précède l’esprit et peut subsister indépendamment de lui. Il développe les sens et accueille la pensée. Les premières images nées dans le ventre d’une caverne, au commencement de l’art, furent celles des corps : ceux des hommes, des bêtes, de la nature et des objets. L’exposition « / » (titre qui peut prendre les différents sens de ce signe : linguistique, informatique ou mathématique), donne à voir de multiples états des corps.
Il n’est plus hybride le corps, ni dégénéré, ni apocalyptique, comme il a été représenté à l’époque postmoderne, il est désormais exilé dans l’inconnu, innomé et inanimé. Le corps est duel chez Ymène Chetouane. La céramique est systématiquement pétrie à partir de deux entités, composant une sorte d’hermaphrodisme d’espèces et réinventant l’ancestrale imagerie thérianthropique. Il est éclaté chez Nidhal Chamekh. Femmes nues tantôt incomplètes et démembrées, tantôt parées d’une excroissance mécanique. Il est substitué par la figure du mouton chez Malek
Gnaoui. L’artiste égrène encore une fois la figure du bovidé en une allégorie de l’homme contemporain : uniformisé, marchandisé et consommé.
Esseulé, exilé dans un territoire encore inconnu, aujourd’hui le corps est hors de lui-même. Dans « / », il est le plus souvent noyé dans l’épure d’un fond monochrome. Or, sa présence semble ambigüe : il est bel et bien là mais il ne sait plus qui il est. Pour preuve de ce nouveau corps amnésique, le visage n’y est plus l’antre de l’altérité. Il est cagoulé, masqué, transpercé, excroissant, effacé, dédoublé, coupé en deux. Les yeux y sont fermés, cachés, mécanisés… Même les gueules des bêtes n’échappent pas à cette indécision, à cette identité troublée : des chiffres y sont découpés, elles sont laissées hors-cadre, etc. Ce travail de représentation sur le corps en dit long sur l’oppression existentielle que chaque individu est amené à subir dans notre monde.
Dans son « Autoportrait n°5 », par le feu, le corps d’Ibrahim Màtouss émerge de la plaque en bois (support de l’oeuvre). Ce corps tellurique est troué, strié, éventré. En réalité, le contre-plaqué décollé laisse apparaître ses boyaux : les déchets de bois qui le constituent. Le corps est la forme.
La forme est le corps. L’un ne se distingue plus de l’autre. L’on ne sait pas si c’est un cancer qui ronge la peau ou les traces d’arbres déracinés. D’un même geste, Màtouss radicalise et interroge son esthétique en la mettant à nu en même temps que son propre corps. Nudité totale qui troue la surface de la chair et de la peinture.
C’est la forme qui créé le sens. La forme est le corps d’une oeuvre d’art, elle est ses membres et ses organes. A travers elle, l’artiste parle sa langue. Les traits de Nidhal Chamekh, les volumes d’Ymène Chetouane, les images numériques et virtuelles de Belhassan Chtioui, les numéros allumés de Malek Gnaoui sont autant de formes qui disent le corps et son exil.
Ismaël