Al Madina
03 . 2016
Intissar Belaïd
« La ville a toujours porté ou supporté les grands rêves des hautes missions civilisatrices. Les utopies l’ont bien montré en édifiant des cités idéales pour des modèles de sociétés où l’homme pourra prétendre à son humanité, à son
bonheur. Mais ces rêves urbains ne demeurèrent qu’utopies, que non-lieux. À mille lieux de là, notre univers citadin, lui, est bien réel.
Et on l’oublie souvent, on ne le pense pas. La ville, ses hauts murs et ses immeubles nous surplombent. La ville, ses interminables prolongements et ses tentaculaires ramifications nous dépassent. Nous y sommes engloutis.
Notre posture n’est pas celle qui permette aisément de penser la ville qui nous enceint. Il faut croire que c’est plutôt la ville qui nous pense. Cela aussi, on l’oublie : la cité est une incorporation bâtie, une agglomération des ordres et des
impératifs d’une politique, d’un social, d’un économique, d’un idéologique… bref, de systèmes de contrôles, de dominations, de conditionnements.
Par chance, quelques rares êtres échappent à l’aveuglement que nous imposent les toujours plus oppressantes cloisons. Ils habitent la ville et leur conscience libre, leurs lucides intuitions leur ouvrent d’autres bifurcations que les voies et les tracés que nous impose la cité. Ils voient et suscitent d’autres imaginaires que ceux que nous administrent les réclames et les enseignes bien installées dans les couloirs de nos quotidiens. Ces êtres savent encore échapper subtilement aux ordres de la ville qui nous dressent, nous surveillent, nous encadrent, car justement, ils voient. Intissar Belaïd est de ces êtres-là. Elle voit et plus encore, elle révèle ses visions avec une subtile force pour laisser surgir une vérité que l’on ne perçoit plus : le réel. »
Extrait du texte de Mohamed Ali Berhouma