Dispars

01 . 2015

Nidhal Chamekh

« Les choses se détournent de nous. Qu’on les aborde en tant qu’objets pour un esprit scientifique, en tant qu’outils disponibles, ou en tant que marchandises (par leurs valeurs d’usage ou d’échange), les choses se dérobent en tant que choses, laissant place à un calcul acharné et continu qui veut tout maitriser. Et dans le retrait des choses, le monde disparait. Car ce sont les choses qui rassemblent le monde où l’on peut exister. Dans leur inutilité première les choses ne symbolisent rien, ne renvoient à rien, ne sont l’allégorie d’aucune autre signification ou valeur (morale ou marchande). Elles sont dans leur simplicité ce qui nous retient en rapport avec le monde. Ainsi notre attitude à leur égard témoigne de la manière dont nous sommes au monde : ou bien nous écoutons leur appel, nous nous étonnons de leur être, et nous respectons notre existence propre dans leur proximité. Ou bien, on les méprise en ne les considérant pas pour elles-mêmes, en les réduisant à des valeurs, et en les privant de toute distance, et ainsi on condamne notre existence à la furie du calcul qui dévaste le monde par sa volonté de domination planétaire. Notre vie quotidienne, notre aliénation dans les rapports de production et de consommation, nous enferment en effet dans cette deuxième option, nous privent de l’abord des choses et de vivre dans le monde.

Cependant, d’une expérimentation artistique, d’un chemin de pensée, d’une décision politique peut éclore parfois un monde où apparaissent et viennent à nous les choses. Un de ces moments est le travail continu et ininterrompu de Nidhal Chamekh. Son écoute assez aiguë et fine, et son « être aux aguets » presque animal le rendent en tant qu’artiste capable de répondre à l’appel des choses. Se situant volontairement dans un espace « entre les choses », il retrouve la distance qui le rend accueillant par sa facture et à travers ses oeuvres à l’arrivée du monde. »

Extrai du texte d’Arafat Sadallah

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